Semaine internationale contre le racisme: « l’islamophobie est-elle une forme de racisme? »


Résumé de la Conférence organisée le 21.03.2014 par l’UOMG & le BIE sur le thème «  l’islamophobie est-elle une forme de racisme ? » de Marwan Muhammad, Président du Comité contre l’Islamophobie en France, dans le cadre de la Semaine internationale contre le racisme

Lorsqu’on parle d’islamophobie, il faut commencer par clarifier le concept:

Contrairement à certaines controverses politiques, le terme n’a pas été inventé par des mouvements musulmans, ni dans le monde arabe ni en Iran, puisqu’un tel concept n’existe ni en langue arabe, ni en perse. Il a au contraire été inventé en France au début du 20e siècle, par des ethnologues et administrateurs coloniaux, qui s’en servaient pour mettre en évidence un traitement hostile aux populations musulmanes dans certaines zones coloniales.

Comme de nombreux termes exprimés dans un espace politique européen sous tension, il fait l’objet de désaccords, comme pour d’autres formes de préjudice: antisémitisme, négrophobie, racisme anti-Roms, etc.

Par conséquent, il faut s’attacher à une définition d’usage claire:

Nous considérons comme acte islamophobe tout acte de discrimination ou de violence envers des individus ou des institutions en raison de leur appartenance, réelle ou supposée, à l’islam.

C’est cette définition que nous utilisons, en bonne intelligence avec l’ONU, l’OSCE ou le Conseil de l’Europe.

Notre travail d’accompagnement et de soutien juridique des victimes nous a permis d’observer, lors des médiations, les idéologies et constructions psychologiques à l’œuvre chez les discriminants.

Ils ne sont pas uniquement d’extrême droite, mais de toutes les appartenances politiques, sans distinction d’appartenance sociale ou économique. Leurs principales motivations sont d’ordre émotionnelles, irrationnelles, couplées à une méconnaissance des musulmans, mais surtout des lois. Beaucoup utilisent ainsi des arguments de « laïcité » pour s’autoriser à discriminer des femmes portant un foulard sur les cheveux, dans l’illégalité la plus total. Il faut alors les rappeler à l’ordre et, dans certains cas, les faire sanctionner en justice.

On trouve une islamophobie de droite, principalement articulée autour de questions de sécurité, d’identité, parfois de civilisation.

On trouve également une islamophobie de gauche, qui dévoie des concepts de leur définition initiale pour en faire des outils d’exclusion: c’est le cas de la laïcité, censée garantir la libre coexistence des différents cultes, qui se retrouve instrumentalisée comme un outil de censure du religieux. C’est également le cas du féminisme, pourtant prônant l’autonomie et la libre détermination des femmes, qui va être utilisé pour leur refuser ce droit au choix s’il s’exprime au travers d’un signe religieux.

On voit que les représentations islamophobes se placent essentiellement dans un champ irrationnel, qui produit de nombreux actes (469 en France, en 2012), visant principalement les femmes, dans 87% des cas (94% dans les cas d’agression).

Par conséquent, il faut développer une approche multipolaire pour faire face à la globalité du phénomène islamophobe:

1) sur le plan juridique, en aidant les victimes à recouvrer leurs droits et en faisant condamner de manière exemplaire les agresseurs et discriminants islamophobes

2) sur le plan politiquer, en déconstruisant les discours stigmatisants et en étant très vigilant face aux tentatives des groupes d’extrême droite de prescrire des débats nauséabonds qui deviennent vite hors de contrôle

3) en agissant sur l’imaginaire et le lien collectif, à travers des œuvres d’art, une dé construction des clichés racistes à travers l’humour et le développement de projets multi culturels

Il est plus que jamais important de faire ce travail de manière collective, musulman et non musulmans ensemble, pour faire face à un mal qui ne touche pas qu’une minorité, puisqu’il vient détruire l’essence de ce qui fait société: le lien social.

Le drame d’un pays comme la France qui sombre dans le racisme n’est pas dans la violence de ses extrêmes, mais dans le silence de sa majorité.